...avec Ingrid Bétancourt.
Ce midi, gare de Rouen, je pris le train en direction du Havre pour assister à une des cinq dédicaces que l'ex-otage des FARC doit faire en France. Je me suis achetée son témoignage il y a trois semaines: Même le silence a une fin. A la base je devais le commander à Papa Noël, mais j'ai eu l'idée de feuilleter et de lire au hasard quelques lignes de son récit...qui se sont transformées en quelques pages. J'étais donc obligée de m'acheter ce livre pour en avoir le coeur net sur tout ce qui a pu se dire sur son compte. Je voulais me faire une opinion de la personne, en allant au-delà de toutes ces critiques acerbes qui ont suivies les six années et demi d'enfer qu'elle a du subir dans la jungle colombienne.
Le 23 février 2002, les FARC la prenaient en otage sur une route de Colombie, elle et des membres de son équipe de campagne électorale pour les présidentielles. Ayant toujours cet espoir de sortir vite de ce calvaire grâce à des négociations entre son pays et les rebelles, elle devra attendre le 2 juillet 2008 pour enfin sortir de la jungle.
La population française était alors très active et militait pour sa libération, ne pas oublier la franco-colombienne, alors que les politiques piétinent voire ralentissent la cadence dans les tractations avec ceux qui la détiennent. Nous l'avons vu perdue, nous avons pensé qu'elle finirait sa vie dans ces conditions de vie si peu propices à la survie d'un humain, encore moins de cette femme paraissant si fragile. Le choc est à son paroxysme quand a été envoyé une photo d'elle, amaigrie et faible. Puis début juillet 2008, c'est un miracle, Ingrid est libérée, et nous assistons émus à son arrivée et ses retrouvailles avec Lorenzo et Mélanie, ses enfants.
A sa libération, elle est devenue une sainte, une combattante bénie des dieux. Un exemple pour tous ceux souffrant de la captivité de par le monde.
Aujourd'hui, cette femme est salie par une population qui se désintéresse vite des fins heureuses, qui n'admet pas qu'une femme ayant subi un tel traumatisme puisse avoir idée de demander des réparations au gouvernement colombien...et qui écrit ce livre.
Même le silence est une fin est le témoignage bouleversant d'une femme défendant son identité face à des révolutionnaires qui veulent lui ôter toute estime de soi, toute fierté et sentiment humain. Je suis dans la lecture actuellement de cet ouvrage touchant, et ce que j'ai pu voir dès les premières phrases, c'est la qualité de l'écriture, cette sobriété dans l'utilisation des mots. "Mots" qui, selon elle, ont été son arme de défense face à ce mépris et ce qui l'a fait survivre durant ses six années de captivité. Elle était "otage" et non "prisonnière" comme elle le disait durant la conférence qui suivait la dédicace de son ouvrage. "Je n'étais pas dans une "prison" comme ils le disaient mais dans un "camp de concentration". Il était hors de question de les laisser légitimiser leur action selon les termes employés, et cette distinction est lisible dans ses écrits.
Dès la première seconde où je l'ai vue, je n'ai pas retrouvé cette personne froide et fière qui m'était présentée dans les médias depuis des mois, j'ai retrouvé cette magnifique femme fragile que je m'imaginais en voyant les affiches placardées partout, il y a quelques années, pour demander sa libération. Etre devant cette femme m'a émue, et j'ai tenu à lui adresser toute mon admiration pour ce courage qu'elle a su conserver jusqu'au bout et au-delà des épreuves. Quand elle m'a tenue la main , j'y ai ressentie toute sa douceur, et la retenue qui lui ont permis d'adresser à tous son témoignage. Ce travail d'écriture a été à la fois, raviver des douleurs, mais aussi les présenter à tous par l'écrit, chose qu'elle ne pouvait faire à l'oral, et enfin se libérer de ce mal pour mieux vivre de nouveau.
Si elle doit faire des maladresses par moment, si son visage peut paraître froid pour certains (même si ce 'est pas quelque chose que j'ai constaté), me concernant je la pardonne et je resterai admiratrice de son combat et de sa détermination pour une Colombie meilleure et libérée de ses guérilleros semant la terreur par les enlèvements et les exécutions sommaires.
Je conseille la lecture de son récit, considéré comme une oeuvre de valeur dans le monde de la littérature.