- "Avez-vous déjà lu Joncour ?
- Non, pas encore.
- COMMENT ? Mais il faut ABSOLUMENT le lire, ses romans sont magnifiques. Vous n'avez jamais lu L'amour sans le faire ?"
C'est ainsi que j'ai cédé à la tentation qui me tiraillait depuis des années (c'est vrai !) à l'évocation du nom de cet auteur français tellement apprécié de nos libraires.
Une tentation assouvie dans un premier temps en achetant, peu de temps après sa sortie, le dernier roman de Serge Joncour : Repose-toi sur moi. Un roman au titre superbe, au message si beau, que la tentation était trop grande, pour pouvoir résister encore longtemps.
C'est l'histoire d'un homme et d'une femme. Ludovic est un ancien agriculteur installé à Paris pour exercer dans le recouvrement de dettes, laissant son exploitation agricole à son beau-frère. L'homme grand et robuste cache dans son allure les failles d'un homme de la campagne perdu dans une ville qu'il ne saisit pas.
Aurore est styliste, mariée à un homme d'affaires à succès, et mère de famille. Alors que tout pourrait lui sourire, dans son bel appartement parisien, Aurore est angoissée. Son affaire est en danger, et des corneilles nichées dans les arbres de la cour d'immeuble finissent de l'angoisser, elle n'arrive même plus à rentrer chez elle sans craindre de les entendre croasser.
Le point commun entre ces deux personnages : leur immeuble, elle dans un appartement moderne, lui, dans l'aile d'en face, dans un petit logement proche de la vétusté... deux univers !
Sous ses airs d'homme dur, Ludovic comprend le désarroi de sa voisine si froide, et lui vient en aide en réglant la question des corneilles. Un simple geste qui transformera le quotidien de ces deux personnages.
Mon avis sur Repose-toi sur moi :
C'était comme un déferlement, au gré des pages.
Progressivement, les personnages se dévoilent et me sont devenus particulièrement attachants, notamment Ludovic, ce grand gaillard qui fait géant aux pieds d'argile. Un homme de la campagne, que je m'imaginais finalement sous les traits de l'auteur lui-même, malgré moi.
Plus j'avançais dans le roman, plus l'envie de plus en connaître de Ludovic et Aurore était grande, le rapport entre ces deux êtres si opposés était sublime à suivre.
Il ne s'agit pas d'une simple histoire d'amour, c'est aussi le regard d'un homme, d'un auteur, sur une société qui parait si compliquée à cerner, avec ses excès, son effervescence, et aussi ses réalités auxquelles nous ne pouvons échapper.
Lu début septembre, ce roman résonne toujours en moi, un mois plus tard, pour la complexité de ses personnages, leur profondeur, dans un récit abouti, très visuel et que l'on n'a pas envie de lâcher. Un récit dans lequel j'ai aimé tant de choses, dont une qui m'a particulièrement touchée : son regard sur l'agriculture d'aujourd'hui (un sujet qui m'inquiète beaucoup).
Une ambiance qui m'a donné envie de mieux connaître Serge Joncour, en allant à sa rencontre à la librairie La Galerne, aujourd'hui, au Havre. J'y ai découvert un auteur tel que je me l'imaginais. Un auteur qui se pose des questions, la plupart similaires aux miennes, sur ce monde qui avance tellement vite.
Parmi les anecdotes données à ses lecteurs, Serge Joncour évoque ses propres réticences devant le regard acéré de corneilles, sa façon d'évoquer la solitude de ses personnages dans le roman, sa façon de faire comme un entomologiste devant des insectes "en mettant ensemble des personnages et regarder ce qui se passe ensuite".
Chose qui ne m'a pas tant surprise, il évoque aussi sa manière de "prêter aux personnages des observations" qu'il fait autour de lui, ou encore comment écrire "c'est comme une double vie", une façon de voir ses personnages "comme s'ils existaient vraiment".
Une rencontre qui m'a donné envie d'en découvrir plus de cet auteur, qui m'a paru à la fois plein d'humour, curieux du monde et réservé. Un écrivain qui m'a paru humble, et qu'il me plaira de retrouver dans de prochaines lectures. Pour suivre l'avis de cette libraire citée plus haut, Je suis rentrée chez moi avec une dédicace.. et un exemplaire de L'amour sans le faire, que je me réserve pour cet hiver.