Il y a des romans qui donnent
immédiatement envie de les lire, dès le premier regard posé sur eux. Et puis le temps passe, on attend de saisir cette chance qui permettra de l'emprunter, et non de l'acheter, pour une
fois. Il arrive aussi que ces livres tant désirés soient tellement bons à la lecture, qu'au final, on a envie de les garder pour soi.
Pour seul cortège me fait vivre cette sensation, alors que je viens de tourner la dernière page de ce magnifique roman. J'ai pu le lire grâce à Estelle Calim, qui le fait voyager depuis peu.
Laurent Gaudé s'intéresse à l'époque d'Alexandre le Grand, le conquérant du IVe siècle avant J-C. Nous vivons plus particulièrement ses dernières heures, en - 323. Alors qu'un banquet bat son plein, avec la présence de tous ses généraux, Alexandre se tord de douleur, résiste, et s'effondre. La mort rôde et l'appelle.
Le lecteur voit défiler sous ses yeux différents tableaux se déroulant dans le même laps de temps. D'un côté, nous avons la chute d'Alexandre. De l'autre, nous avons Dryptéis, qui est appelé à revenir à Babylone. Fille de roi Perse, elle a vu sa lignée détruite par la fièvre conquérante d'Alexandre. Elle n'aspire qu'à une chose, être oubliée, et vivre loin de "l'Histoire" !
Enfin, une voix parle à Alexandre. La personne se dirige vers son chef, le supplie de vivre, d'attendre son arrivée, pour apprendre la bonne nouvelle qu'elle doit lui annoncer. Mais qui est-elle ?
Laurent Gaudé alterne les narrateurs, au fil du récit, l'un disparait, l'autre revient, un nouveau arrive. Alexandre le Grand est indubitablement un des personnages de l'Antiquité les plus connus, vainqueur de multiples peuples, étendant son pouvoir sur de vastes territoires.
Mais dans le fond, il s'agit que d'un homme, un homme faillible, qui est terrassé par la mort, alors même que sa succession n'est pas assuré, et le maintien de son empire incertain. Déjà, avant qu'il rende son dernier souffle, la question de la succession suscite des inquiétudes, des envies : Séleucos, Ptolémée...?
En lisant ce roman, je me rappelle de cours suivis à la fac, sur l'un des successeurs, justement, et la grande ère des Séleucides, qui n'a jamais connu la stabilité de celle d'Alexandre, celui qui voulait conquérir tous les territoires connus, et qui faillit au bord de l'Indus.
Nous apprenons également un peu des rites de l'époque, notamment pour célébrer l'empereur défunt. le rôle des pleureuses, qui escortent le long cortège vers les terres d'origine d'Alexandre. Pendant des semaines, le corps traverse tout un empire, avant d'être repris par un des généraux, pour prouver la légitimité de ce dernier à régner sur l'empire. L'aura d'Alexandre ne s'éteint pas avec son dernier souffle, elle perdure et est nécessaire aux envieux, pour justifier leurs choix, chose qui n'est pas si difficile à comprendre encore, à l'heure actuelle, quand on voit le "culte" des anciens, encore appliqué à l'heure actuelle (le pillage de tombes en moins, bien sûr !).
J'ai retrouvé, lors de cette lecture, la finesse d'une écriture qui emporte le lecteur, une plume qui fait parler plusieurs personnages sans heurt. L'auteur passe subtilement d'un personnage à un autre, et c'est un vrai régal. Cette lecture confirme la première bonne expérience avec Ouragan, lu l'année dernière.
C'est un roman de plus à inscrire à la liste de ceux sortis lors de la rentrée littéraire 2012 ! Et un coup de coeur !
Merci encore EstelleCalim !