Le prix des lecteurs de la livrairie l'Armitière semble attirer les foules, et il est difficile de suivre son ordre de lecture pré-établi à la découverte de la sélection de l'année.
C'est ainsi que je me suis retrouvée avec "Le Jeu des ombres", de Louise Erdrich, en guise de troisième lecture pour ce prix.
Irene se rend compte que Gil, son
mari, lit son journal intime, qu'elle cachait dans un classeur de vieux relevés de compte. Pour elle, c'est une trahison et, dès lors, la relation de confiance s'effrite, et l'ombre plane
doucement sur ce couple qui se déchire. Elle décide alors d'écrire un autre journal, le vrai, cahé dans un coffre bancaire, et de poursuivre le premier, en y préparant une vengeance terrible pour
le couple.
La lecture de ce livre est particulièrement pesante. Le récit est comme une descente aux enfers pour ces deux personnes, unies par le mariage, la famille (ils ont trois enfants), leurs origines (ils ont du sang indien dans les veines), et l'univers de la peinture. Tous deux se rencontrent lorsqu'elle devient modèle pour lui. De cette collaboration artistique nait une relation fougueuse, avant de s'installer dans une vie commune. Gil est reconnu pour ce perpétuel travail autour de l'image de sa femme. Ses tableaux se succèdent (America 1, 2, 3...)
Mais Irene est-elle vraiment heureuse ? La position de cette femme me laisse un peu songeuse. Que veut-elle, avant de découvrir la "profanation" de son journal. Était-elle heureuse avant ? Ces questions ne sont pas très joyeuses, mais révèlent parfaitement cette ambiance lourde, usante. Les enfants voient leurs parents se déchirer, les chiens eux-mêmes semblent flairer le mauvais présage. L'un des enfants prépare des sacs de survie pour partir en vue d'une catastrophe, mais quelle catastrophe ?
Je découvre la plume de Louise Erdrich avec ce roman qui, sans être un coup de coeur, m'a plu pour son écriture, pour cette expression des sentiments si dure à sortir.
Bémol. L'évocation des journaux intimes, celui qui est lu, et celui qui est caché. Pièce maîtresse du récit d'après la 4e de couverture (toujours la 4e de couverture !), ils ne sont au final que le déclencheur des "hostilités", mais non des pièces de récit omniprésentes. Je m'attendais à plus de journal, peut-être le caractère voyeur qui ressort.
Je peux souligner enfin, sans en dire les raison, une fin surprenante, qui justifie notamment mes hésitations, parfois, en ce qui concerne le narrateur.
C'est un roman intéressant donc, notamment pour ses évocations sur les populations indiennes aux Etats-Unis, actuellement, et la part des traditions dans des peuples parqués en réserves, ou ayant perdu leurs pratiques pour se fondre dans la masse. Quel est le poids de ce passé ancestral dans le quotidien de ses familles, dont le métissage ne cache pas les traits de leurs origines. L'appartenance à l'une de ces familles est importante encore dans l'esprit des personnages de ce roman.
Troisième sélectionné lu, donc, avec intérêt, sans être une grande révélation à la lecture. Il donne plutôt envie d'en lire plus sur le patrimoine et la mémoire des Indiens d'Amérique.
Un livre que je note 7/10.
9e participation