...avec "Le coeur cousu" de Carole Martinez.
La narratrice parle de sa soeur, qui révèle des dons de conteuse:
"Et ses mains, vous ai-je parlé de ses mains?
Les mains de conteuses sont des fleurs agitées par le souffle chaud du rêve, elles se balancent en haut de leurs longues tiges souples, fanent, se dressent, refleurissent dans le sable à la première averse, à la première larme, et projettent leurs ombres géantes dans des ciels plus sombres encore, si bien qu'ils paraissent s'éclairer, éventrés par ces mains, par ces fleurs, par ces mots.
Anita ne sait plus lire, elle a oublié, elle s'est soudain refusée aux mots écrits.
Elle dit que l'écriture enterrera les mains des conteuses et qu'aucune voix ne nous guidera plus dans les ténèbres du mythe. Les lettres écrites, ces courbes, cette encre, ces mots morcelés, pourriront sur les feuilles, mémoire morte. Les contes seront oubliés. Pour elle, tout livre est un charnier. Rien ne doit inscrit ailleurs que dans nos têtes.
Elle a des contes tatoués sur les lèvres, un baiser de sa bouche, une caresse de sa main nous les imprime sur le front."
Splendide passage concluant la deuxième partie d'un roman à la bel écriture, malgré ce qu'Anita en penserait...Ce passage m'a troublée, charmée, malgré l'heure tardive.
extrait p. 324-325, Le coeur cousu, Carole Martinez
lecture finie d'ailleurs ;-)