... sous la plume de la Suédoise Maria Ernestam, deuxième lecture pour le jury des lecteurs de l'Armitière. Belle rencontre avec ce roman nordique, sorti en septembre aux éditions Gaïa. Avant d'en venir au
contenu, ej passe d'abord par le support même. Je passe d'abord par ce détail pour dire combien j'aime cette édition. C'est la deuxième fois que je lis un roman écrit chez Gaïa (le précédent
étant Fugue par Anne Mehdevi Delaflotte), et ce livre est une nouvelle fois d'un grande beauté. Sur la couverture, nous retrouvons la petite Eva, personnage central
de ce récit, en ombre avec des branches d'apparence épineuse, formant un coeur devant elle.L'image reflète à elle seule les thèmes de ce roman : l'enfance, l'amour, la botanique, autour des
fleurs.
De forme allongée, ce livre de 410 pages environ est un peu plus lourd par rapport à d'autres brochés, à mon sens, mais ceci n'est en rien "handicapant" pour savourer l'histoire défilant entre ses pages.
Quatrième de couverture :
Eva cultive ses rosiers. A cinquante-six ans, elle a une vie bien réglée qu'elle partage avec Sven. Quelques amies, des enfants, et une vieille dame acariâtre dont elle s'occupe. Le soir, lorsque Sven est couché, Eva se sert un verre de vin et écrit son journal intime. La nuit est propice aux souvenirs, aussi douloureux qoient-ils. Peut-être aussi la cruauté est-elle plus douce lorsqu'on l'évoque dans l'atmosphère feutrée d'une maison endormie. Eva fut une petite fille traumatisée par sa mère, personne fantasque et tyrannique, qui ne l'a jamais aimée.
Très tôt, Eva s'était promi de se venger. Et elle l'a fait, avoue-t-elle d'emblée à son journal intime.
Un délicieux mélange de candeur et de perversion.
Après une petite référence en italique, dans les deux premières pages, sur la vie de baleines (!), les premiers mots écrits dans ce journal intime sont fort, violant, ahurissant...nordique !
"J'avais sept ans quand j'ai décidé de tuer ma mère.Et dix-sept ans quand j'ai finalement mis mon projet à exécution." p. 11
Pas de doute avec ce roman, l'écrivain ne lance pas ses lecteurs dans une histoire plate, autour de la vie d'une femme se confiant à un journal. Le journal est le support d'un aveu, terrible et effrayant. Cette femme écrit très clairement qu'elle a tué sa mère, à 17 ans. Elle avoue également ne pas l'avoir fait involontairement. La préméditation est claire, sans faille.
Mais bizarrement, ce couperet au-dessus du personnage de la mère ne gâche pas pour autant le suspense, et sait, de temps à autre se faire oublier, dans des confidences sur l'enfance d'Eva, petite fille mal-aimée de sa mère, rejetée et apprenant très vite à se débrouiller, à s'endurcir, pour mieux vivre.
Eva est une enfant non désirée, qui s'accroche à une mère frivole, désinvolte et mauvaise. Comment grandir normalement avec une mère qui nous rejette ? Comment une mère peut-elle autant se désintéresser de sa fille, et autant la mépriser ?
La petite Eva trouve pour la première fois le bonheur aux côtés de sa nourrice, Britta, venue du nord de la Suède pour gagner un peu d'argent. La complicité entre les deux jeunes filles fera naître une sorte de jalousie chez la mère. En renvoyant Britta, elle ne sais pas encore qu'elle a scellé son destin, et que cet acte sera l'origine de ce besoin de vengeance chez Eva. A 7 ans, la jeune fille comprend alors que le seul moyen de vivre, c'est d'éliminer cette mère qui n'en ai pas vraiment une, et enfin profiter de son quotidien.
"Je me rappelle avoir progressivement compris que ma mère ne se soucierait jamais assez de moi pour m'aimer, et que seule l'une d'entre nous deux verrait le bout du tunnel saine et sauve. A sept ans, je décidais quez ce serait moi." p. 30
En ce qui concerne "les oreilles de Buster", je laisse aux potentiels lecteurs le soin de découvrir eux-mêmes de quoi il s'agit. Pour finir avec la présentation, j'ajouterai juste un détail quant à la détermination de la petite Eva. Sachant qu'éliminer sa mère n'est pas une mince affaire, la jeune file va apprendre à dépasser ses limites, ses peurs, pour aller de l'avant.
Vous l'aurez peut-être remarqué j'ai beaucoup aimé ce roman, malgré ses passages sombres, ces paragraphes si effarants quant au comportement de la mère ( sa jalousie est vraiment démoniaque et malsaine !).
En écrivant sur son enfance, Eva semble se libérer de ce qui a pesé sur sa vie, jusqu'à ce 13 juin, jour de son anniversaire et aussi celui où sa petite-fille, comme si elle avait compris avant Eva, lui offre ce journal vierge de tout écrit, et attendant des confessions. Eva est un personnage remarquable, une femme tout à ses rosiers, seule source de paix pour elle, malgré la présence de Sven à ses côtés. Ses amis, sa famille, personne ne se doute de cette part sombre de son enfance. Le journal est en quelque sorte ce moyen tant attendu d'enfin avouer ce qui a été commis bien des années plus tôt...
" Des jours se sont écoulés sans que j'écrive. Mais lorsque j'ai mis le point final, la dernière fois, j'ai eu l'impression que la boîte où étaient enfermés mes sentiments refoulés s'était ouverte. J'avais des visions, je reconnaissais des parfums de l'enfance, comme si j'errais dans un musée la nuit." p. 51
"En levant les yeux, je vois le jour se lever à travers la vitre. Je vais donc poser mon crayon, enfiler mes sabots et sortir, vêtue d'une simple chemise de nuit. Je veux sentir mes roses. Peut-être m'apporteront-elles la sérénité, le réconfort, la certitude que les choses qont à leur place. Dans le cas contraire, je savourerai cet instant de divine solitude". p. 117
L'annonce du début ne retire pas tout le mystère de ce roman. Les personnages avancent peu à peu vers l'inexorable, Eva découvre l'amour aussi, alors que ses parents se déchirent. Le récit alterne présent et passé avec une facilité exemplaire. Les lecteurs ne s'y perdent pas et se promènent dans ce village suédois, en bord de mer,aux côtés de personnages originaux...à la sauce nordique, il faut le dire.
Des surprises vous attendent à la lecture de ce roman. L'auteur est très fort.
Vous voulez en savoir plus ? Lisez-le !
Note : 9 / 10
Septième participation au challenge 1% littéraire, que je boucle avec succès, tout en poursuivant mon voyage chez nos Voisins-voisines européens.
7 / 7
Suède