...premier sélectionné de ce jury des lecteurs l'Armitière !
Mon retard dans la littérature actuelle fait que je ne
connaissais pas encore cet auteur avant que l'on me mette entre les mains ce roman. Des critiques bonnes, d'autres moins bonnes, Eliette Abecassis ne déroge pas à la règle des auteurs qui
récoltent auprès de ses lecteurs des critiques allant de la consécration au dénigrement. En ce qui me concerne, ce court roman a été agréable à lire. Avec une préférence pour le fond, plutôt que
la forme, malgré tout !
Le fond, c'est l'histoire d'une femme de confession juive qui divorce de son mari, après sept années de mariage ressemblant plus à une imposture plutôt qu'une grande histoire d'amour. Cependant, si le divorce civil se fait sans encombre, trois ans plus tard, c'est le "divorce religieux" qui se fait toujours attendre. Car en effet, la confession juive impose à la femme d'obtenir le guet, comme une rupture spirituelle entre l'homme et la femme (limite une répudiation), afin de recouvrer sa liberté de vivre avec un autre homme, et d'avoir un enfant de lui. Sans ce guet, l'homme reste et demeure un amant, tout remariage religieux est impossible, et l'enfant issu de cette relation est un bâtard, ou mamzel.
Eliette Abecassis nous entraîne dans cette tourmente, aux côtés d'Anna, qui lutte de toutes ses forces pour selibérer de Simon. Mariage ratée, amour inexistant, Anna se méprise et ne retrouve plus celle qu'elle était autrefois. Ce guet, plus qu'une barrière, est une chaîne qui l'entrave...Elle rencontre un homme qui l'aime, qui la désire, mais sans ce guet, elle ne peut vivre librement cet amour naissant :
"J'avais une fille de huit ans. Sur le reste, je ne dis rien. Je ne pouvais pas en parler. Je ne trouvais pas les mots. J'en avais honte, comme si j'étais la complice d'un crime inavouable." (p.11)
" Je me sentais prise au piège, dans une situation inextricable, et seule pour y faire face." (p.39)
Le sujet est incontestablement intéressant. Loin de tout connaître de cette religion, l'auteur me permet par ce livre de me pencher un peu plus sur la pratique du judaïsme, le judaïsme des croyants et des pratiquants, celui à l'origine de la religion, avec ses lois si moyen-âgeuses qu'il est difficile de croire que c'est encore possible. Attention, je ne dis pas que le judaïsme est la seule religion dans ce cas, chacune a ses règles ancestrales, et c'est captivant de retrouver ce qui faisait l'essence même d'une religion, et de voir peu à peu les choses évoluer.
Ici, pour les pratiquants assidus, ces règles régissent encore leur monde. Il n'y a pas de nouvelle vie possible sans recouvrer cette liberté complète. Ici le divorce est une infamie, qui pousse même la famille à s'écarter de celle qui ose entamer cette procédure :
" Dans ma famille, on ne pensait ni à la séparation ni au divorce. C'est sans doute la raison pour laquelle, pendant longtemps, je n'arrivai pas à mettre des mots à mon malaise. Je combattis avec moi-même, avant de savoir si je devais sauver ma vie de femme ou celle d'épouse et de mère, et pourquoi ces rôles étaient aussi incompatibles" (p. 14-15)
"Je ne voyais plus guère mes soeurs ni mon frère qui désapprouvaient mon choix. Je sentais bien qu'une distance s'était instaurée entre nous. C'était comme si touts les torts étaient de mon côté. Comme s'ils avaient peur de moi. [...] Moi, j'étais comme la peste : j'avais quitté mon mari. J'avais brisé le tabou. Tout était ma faute, sous ma responsabilité. C'était moi qui avait détruit la vie de mon couple et celle de mon enfant. J'étais coupable." (p.82)
La faute, la culpabilité, la soumission, ce sont les termes récurrents de ce roman de 200 pages, et au final, la tendance à rejoindre un registre au limite du pathos peut commencer à lasser...Si au départ la lecture du roman m'inspirait une révolte devant ces mesures archaïques, à la fin j'avais envie de secouer Anna et de lui dire "Arrête de chouiner, reprend toi, profite de la vie avec ton beau Sacha et laisse courir !"
Mais comme je ne pouvais le faire, à la place, je suis devenue passive devant cette quête d'obtention du guet.
A cause de cette poussée de larmes et de détresse, je noterai ce livre ... 6/10 !
(illustration par l'Armitière)