Delphine de Vigan. Depuis la "bombe" Rien ne s'oppose à la nuit, cet auteur était attendue au tournant. Sera-t-elle capable d'écrire un autre roman ? Que peut-on écrire après un pareil ouvrage ? Avec la rentrée littéraire de la fin août 2015, son retour était pour le moins fracassant. Des têtes de gondoles partout, des annonces enthousiastes sur sa sélection aux différents prix littéraires, sa photo imprimée en grand format, des coups de cœur de libraires collés à la jaquette du roman...
Et puis il y a l'hésitation... Ces atermoiements interminables pour savoir si oui ou non, je vais finir par craquer. J'avais dévoré son célèbre Rien ne s'oppose à la nuit. J'ai aussi su tourner la page, au point d'apprendre avec surprise qu'un nouveau roman arrivait, fin août, sur les tables des libraires.
Finalement je l'ai pris, intriguée par le sujet, et accrochée par un ou deux passages croisés par hasard, entre les pages de ce livre.
Delphine n'arrive plus à écrire. Après le succès de son dernier roman, c'est l'angoisse de la page blanche, la peur du fichier word, la sueur froide devant le courrier et un stylo...
Le soir d'une longue séance de dédicaces au Salon du livre de Paris, elle se rend à une soirée où elle fait connaissance avec L. L. est dynamique, sûre d'elle, déterminée... Tout le contraire de Delphine. Delphine doit s'habituer à l'absence de ses enfants, partis faire leurs études dans d'autres villes, tandis que François, son conjoint, multiplie les voyages à l'étranger pour son travail de chroniqueur littéraire...
Une relation se tisse très vite entre ces deux femmes. Alors que Delphine confie à cette femme seule sa panne d'écriture, L. l'encourage à reprendre la plume, à écrire la vérité, ne pas s'enliser dans un roman de pure fiction, ça n'intéresse pas les lecteurs, les lecteurs veulent du vrai !
Petit à petit, L. tisse sa toile dans le quotidien de Delphine, et l'auteur ne peut plus se passer de cette femme, qui semble si magnétique, si bien connaître sa vie, si bien la comprendre... Mais jusqu'à quel point cette relation peut-être bénéfique ?
Thriller ou manipulation ?
Le problème avec un livre attendu de tous, c'est que l'exigence se fait d'autant plus grande ! Quand j'ai acheté ce roman, finalement, Delphine de Vigan n'avait pas encore raflé le Goncourt des lycéens, ni même le pris Renaudot. Cependant, je n'avais pas échappé à la multitude d'avis positifs sur le récit, sur la plume de l'auteur, son génie, etc. etc.
Je voulais ignorer ces détails qui apparaissaient progressivement sur la toile, ces réflexions autour de cette ambiance digne d'un thriller, tant évoquée dès la sortie du roman.
Et puis, finalement, je me suis lancée. J'ai découvert l'univers de Delphine. Dans mon esprit, elle ressemblait à l'auteur. Son mec, c'était François Busnel, sa mèche rebelle et ses petits airs pédants. Le Salon du livre, je déambulais dans ses allées...
Et puis la mayonnaise a fini par retomber, petit à petit. Le livre se lisait très bien, son écriture est on ne peut plus easy à suivre, et les pages tournaient, tournaient, tournaient... Mais, en parallèle, une question trottait dans ma tête, une question qui, une fois en tête, ne m'a plus lâché : Ne tourne-t-elle pas en dérision ses lecteurs ? Se moque-t-elle de ce qu'elle a dû entendre pendant des semaines et des mois avec son précédent romans.
Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que ça s'est vraiment passé comme ça ?
Dans un premier temps, j'avais l'impression de lire les pages de son journal et, comme tout journal d'une tierce personne, on se fout pas mal des détails de sa vie. Moi, moi moi... Jusqu'à ce que cette pression tant attendue monte, progressivement, et là, le temps d'une seconde, cette question arrive : Comment c'est possible ?
Et là je me sens piégée, coincée par ces interrogations sur la place de la vérité dans un récit, et l'intérêt que les gens apportent au fictif et à la réalité. Je me suis sentie comme un rat de laboratoire, en quelque sorte. J'ai poursuivi ma lecture en restant plus détachée et en cherchant cette ambiance de thriller que j'avais vu évoquée un bon nombre de fois.
Rencontre fatale
Bref, vous l'aurez compris, je suis passée à côté de ce roman tant plébiscité, et je n'en retiens qu'un sentiment mitigé, avec une impression étrange en tête.
Puis est venu le moment de la rencontre à la librairie. Car oui, je l'ai vu... vite fait. Une demie-heure montre en main, en fin d'après-midi. Quand on bosse au-delà de 18h, ça limite un peu le temps d'écoute. Je ne suis arrivée qu'à la dernière question, avant que la séance de dédicace débute. Pas de question, il y a trop de monde et le temps presse. La file avance, les livres sont signés, machinalement, toujours de la même manière, le même texte, à l'exception du prénom du lecteur, ou plutôt la lectrice, si contente de voir Delphine de Vigan en vrai. Mais Delphine signe en automate et quand je lui pose la question sur cette image de thriller, voulue ou non... elle me répond que je dois lire trop de thriller et que j'attendais peut-être plus de sang, me tendant le livre signé en deux secondes, comme un signe d'au-revoir...
Surenchère autour de ce roman, j'en suis convaincue. Quant à mon impression que le lecteur est finalement moqué par l'auteur lui-même, elle n'en a été que confirmée.
J'ai vu l'après Rien ne s'oppose à la nuit et je me dis qu'en effet, un bon roman ne fait pas un auteur exceptionnel dans la durée.
Et pour conclure... Non, je n'ai pas eu peur de lire ce roman avant de dormir !
Suis-je la seule note discordante sur ce roman ? (Ne me frappez pas !)